L'Ordre des Flammes
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Tranches de vie - Annexe 1

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Message par Ashe McGrey Sam 20 Mar - 16:27

Annexe 1 : The Asylum queen


    L’échos produit par le contact de ses talons avec le marbre veiné de la vaste halle se fit de plus en plus rageur à mesure que le temps passait. S’il ne se trompait pas (et cela lui arrivait rarement) voilà bien une heure entière qu’il faisait le pied de grue, engrenant inlassablement les minutes du bout des semelles. L’outrage ne serait pas si grand, ni sa hargne si palpable, s’il ne s’agissait pas d’en être ainsi réduit à patienter en sa propre demeure.
    Reprenant ses va et vient, un grondement sourd enfla au fond de sa gorge jusqu’à presque exploser en un hurlement de rage et d’impatience difficilement contenues. L’odeur rance et acide des fleurs de lys mourantes lui avait une nouvelle fois pris le nez. Ce bouquet, à si piètre allure désormais, avait été apporté au matin même comme gage de bonne volonté. À cette heure avancée de la journée, les plantes n’avaient pas même la décence de se faire oublier et leur terrible présence semblait enfler à mesure que l’attente se prolongeait. Il dût cependant manifester un parfait contrôle de soi pour ne pas envoyer vase, contenant et contenu à plusieurs pieds de là. L’ornement ayant été offert, un minimum de respect s’imposait.
Et ce malgré le plaisir évident que son impuissance semblait prodiguer…  

    Avait-il réellement imaginé que son convive allait profiter de ses heures de repos pour planifier un tant soit peu leur départ ? À son plus grand regret… La réponse était affirmative. Il savait pourtant à quoi s’en tenir, sa réputation n’étant plus à faire. Néanmoins, il s’était tout de même attendu à ce qu’un brin de déférence lui soit démontré. Il en avait payé le prix fort.
    Il disposait naturellement de la possibilité et des moyens pécuniaires de se tourner vers d’autres. Pourtant l’investissement se devait d’être parfait et le choix s’était, hélas, imposé de lui-même. Son plan, plus que bancal il fallait bien l’admettre, nécessitait l’appui de forces dont il ne disposait tout simplement pas. Une seule chance s’offrait à lui. Une unique ouverture qu’il avait patiemment (toute proportions gardées, cela allait sans dire) guetter. Rien ne pouvait - Ni ne devait… - se dérouler en dehors de la toile qu’il avait tissée des jours durant. D’où sa présence en ces lieux. Au lendemain, à la même heure, ou il aurait récupéré ce qu’il convoitait si ardemment ou ils auraient lamentablement échoué.
Et les conséquences, terribles, s’en ressentiraient amèrement.
Dans son intense préparation, il avait pourtant mis de côté un léger détail. Tellement insignifiant qu’il ne lui avait accordé aucun semblant d’importance. Pourtant, les faits étaient bien là.
    - Les humains sont si lents ! -

    Un claquement léger capta son attention avant même qu’un rire cristallin ne dégringola doucement de l’escalier à révolution. Raide, son mouvement pendulaire s’arrêta et il se tourna par acquis de conscience vers la source du carillon.
    « Allons… Ne m’as-tu donc pas prévenu de la mondanité certaine de l’événement ? Il me fallait bien faire quelques efforts pour ne pas décevoir. »
    Ne faisant pas même mine de répondre, il afficha une immobilité totale et accompagna du regard l’arrivée de son invitée. Un muscle se contracta involontairement au bas de sa mâchoire tandis qu’il détaillait sans vergogne la créature descendant les étages.
    Une main gracile épousant la rambarde pour prévenir tout risque de chute, la jeune femme était resplendissante.
Ses longs cheveux, cascade de soie aux teintes de miel, voletaient librement sur ses épaules dénudées par la col évasé de sa robe. Sa gorge, ainsi offerte, était parée d’un savant réseau de rubans de satin. Une opale de joaillier, ses arêtes aiguës accrochant le moindre rai de lumière, se balançait doucement aux derniers rangs de cette toile invraisemblable. Rehaussant sa taille souple, une chaîne argentée ceignait négligemment ses hanches. L’accessoire, noué avec une certaine espièglerie, cliquetait adroitement au-dessus d’une ouverture latérale du fourreau cramoisi. La coupe du vêtement, assurément terreine, laissait ainsi apparaître par intermittence les longues jambes galbées de la demoiselle.
    Il ferma un instant les yeux, se pinçant doucement l'arrête du nez entre pouce et index. Sa colère sourde le disputait aux devoirs de compliment que lui imposaient une bonne éducation. L’apparition de sa visiteuse était spectaculaire et il s’agissait évidemment du but recherché. Quiconque poserait les yeux sur cette étrange nymphe ne pourrait s’inquiéter des faits et gestes de l’individu à son bras. Indéniablement, il en avait pour son argent.
Mais une si longue attente était-elle véritablement nécessaire connaissant ses dispositions naturelles ? Ne s’agissait-il pas là d'une nouvelle façon de lui rappeler qui menait la barque dans cette affaire ? Un contact léger comme une plume aux bords de sa mâchoire le tira de ses âpres réflexions.
    Desserrant les paupières, il se retrouva instantanément happé par de magnifiques lacs d’émeraude dans lesquels dansaient un reflet rieur. Vivement, il saisit les poignets de son invitée et, les tenant en l’air avec délicatesse, l'éloigna de lui de quelques pas. En équilibre sur la pointes des pieds, alors même qu’elle arborait des talons vertigineux, la jeune femme fit une moue absolument adorable.
    « Je ne te plais pas ? Aurais-tu préféré que je m’accorde autrement à ton bras ? »
    Lui retirant la garde de ses mains, la jeune femme les posa sur son visage comme si, déçue de sa réaction à son égard, elle allait se mettre à verser un torrent de larmes amères.
    « Ce sont mes yeux, n’est-ce-pas ? Seraient-ils trop clairs à ton goût ? »
    Dans un petit gémissement plaintif, elle laissa retomber ses mains. Les nouant étroitement sur le devant de sa robe, elle releva finalement le menton. L’expression de détresse et de doute mêlés de la demoiselle faisait peine à voir. Il en aurait presque regretté sa réaction, qui passait désormais pour épidermique, si il n’y avait eu son regard.
En lieu et place des pierres précieuses, une agréable teinte vert mousse dont la seule vue lui révulsa l’estomac. Il se souvenait parfaitement de qui arborait de telles prunelles et le dégoût prit immédiatement le pas sur l’élan d’empathie qu’il avait si brièvement ressenti. Pourtant la créature ne parut pas se satisfaire de ses traits crispés… S’éloignant de quelques pas, lui présentant son dos nu strié de dentelles rouges, elle poursuivit tout aussi plaintive.
    « Je vois bien que je ne te contente pas. Que puis-je faire pour y remédier ? »
    Passant des doigts fébriles dans ses boucles, elle se saisit d’une mèche et se mit à la tortiller d’un air pensif. Poussant un soupir à fendre l’âme, elle se retourna soudainement.
Un instant, il sembla qu’elle souhaitait s’adresser de nouveau à lui. Son beau visage était pourtant comme étrangement brouillé. Clignant rapidement pour chasser cette image rémanente, un frisson désagréable lui dévala brusquement l’échine.
Des yeux de biche aux reflets d’un bleu roi inimitable le toisaient de sous une frange courte. La crinière épaisse encadrant désormais son visage était d’un blanc si pur qu’il en était presque artificiel. Penchant doucement la tête sur le côté, elle lui sourit avec tendresse.

    « Ne me provoque pas, Séverine ! »
    Le cri ricocha, terrible, au gré des méandres de la halle. L’échos hideux de sa voix, déformée par une rage violente, ne suffit pas à noyer ses sens et il distingua très nettement un autre bruissement. Le son affolé des battements de cœur de la jeune femme dont il enserrait désormais le cou d’une poigne de fer, le visage à seulement quelques distances du sien.
Il se servait sans aucune honte de la différence flagrante de poids pour coincer la demoiselle entre les colonnes de soutien de l’escalier central et son propre corps. Un grondement sourd s’échappa de sa gorge, dévoilant brièvement ses crocs. Terrifiée, la visiteuse voulut échapper à la pression de son regard mais elle ne réussit qu’à resserrer elle-même la terrible prise.
S’il l’avait voulu, il aurait pu lui briser le cou à l’instant même d’une simple torsion du poignet. Pourtant il se contenta d’écouter les pulsations erratiques de cet organe humain en proie à une terreur indicible. D’agréables soubresauts en résultaient sous ses doigts.
    « Et maintenant, que comptes-tu faire ? »
    La jeune femme s’était exprimée d’une voix incroyablement bien maîtrisée au regard de sa situation. Bien qu’une frayeur évidente l’habita toujours, elle soutint dans un calme olympien le regard de celui qui tenait littéralement sa vie entre ses mains.
    « Nous savons toi et moi pourquoi je me trouve ici même. Crois-tu réellement que me tuer soit la bonne solution ? Tu as besoin de ce pouvoir qui te rebute tant et tu le sais. »
    Un magnifique sourire étira les commissures de la jeune femme.

Ashe McGrey

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Date d'inscription : 20/07/2020

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