L'Ordre des Flammes
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Message par Etherna Thus-tal-Al'Shar Mar 11 Aoû - 22:29





Ses bottes foulaient les pavés de la petite ville, à une allure soutenue. La rue principale qu'il empruntait commençait à monter - en ce sens - d'une inclinaison convenable mais qui aurait bien vite raison, à la redondance, de quelques artisans qui devaient la cheminer pour vendre deux fois par semaine diverses confections.

Dans son avancée, il esquivait avec habilité les divers "obstacles" qui voulaient l'entraver : Des gamins qui couraient au contre-sens. Un semblant de foule, qui, à guetter les étales, ne prêtait guère attention à ses proches voisins. Des charpentiers, à deux, transportant des poutres.

Jamais son corps ne se fit sentir, pareille à une anguille capable de se faufiler. Derrière lui, seule sa cape noire battait de ses pans la populace - traîne de son détenteur - qui a voleter, ne le laissait pas distinguer de dos.

Son visage empruntait deux coloris, comme la plupart du temps. La première paradoxale de ce qu'il pouvait dégager : Affligé. Son regard se voulait bas, calme. La lueur d'un regard presque mélancolique, aux iris ébènes. Et même si on lui aurait prêté une quelconque note de tristesse c'était bien l'inexpressivité qui se nimbait autour de lui. Quelque chose d'impénétrable au flirt de l'apathie, pour ses versants de l'indifférence plus qu'à l'indolence.

Son visage était ceux des poupées de porcelaine, sans les roseurs aux joues. D'une pureté laiteuse, exempte de tâches, réminiscences à la peau de conflits et autres cicatrisations. Plus pâle que la norme, mais aussi plus propre.

Son œil droit effilé et surmonté d'un sourcil aussi fin - mais pourtant sévère - n'était que le seul visible. Le pan gauche de son visage se trouvait, au quotidien, tapit, d'une coiffure plaquée avec mèches, tout aussi sombre. L'une d'elles retombaient au côté droit de la seule pupille à distinguer - descendant de la tempe , pour encadrer son visage. Ses cheveux se voulaient assez lisses mais inégaux aux pointes pour en faire des multitudes de mèches. La longueur générale avoisinait son menton et un peu de son cou, au grand maximum.



L'Étranger:
----- Fenêtre blanche à ouvrir -----



La cape le couvrait de tout son être, fermée à la gorge de trois pressions et d'une fibule au devant d'épaule droit. Parfois, au fil de ses mouvements, se déclarait sa dextre pour attester qu'elle était, entre quelques soulèvement de son drapé, gantée mais pas jusqu'aux doigts, pareille aux mitaines. La laine n'était pas pour lui, bien plus le cuir.  



L'Étranger 2:
----- Fenêtre à ouvrir -----



Un ciel plombé de nuage gris et une luminosité timide pour la matinée. La pluie s'annonçait et promettait son arrivée au dessus d'Aurimans.

- N'auriez pas une petite pièce pour quelqu'un dans le besoin, brave Sire ?

On venait de lui adresser la parole - et cela lui arrivait souvent, dans ses périples -. Pas même n'eut-il un regard pour la mendiante, qui lui souriait de façon aimable et pas trop forcée pourtant.

- Et ben... Va te faire voir. Souffla-t-elle comme la plupart du temps.

Il eut non plus une pensée pour elle, suite à cela.

Il semblait presque pressé, le regard focalisé, et pour rien au monde il était inattentif.

Un autre groupe de gamins, dans son ascension. Le premier à le percuter, lui trop tête en l'air et alerte de deux autres camarades à le poursuivre :

- Gabriel, t'es lent. Tu arr-.

Le gamin venait de s'agripper par réflexe sur sa tenue. Tout en secouant la tête pour reprendre ses idées, il leva le nez pour l'aviser.

- Oh... Pardon m'sieur... Je -.

Mais là encore, il poursuivait. Sa gauche se dessina sous sa cape et d'un geste revers lent - qui ne laissait aucune place à la contestation physique - il vint écarter le garçon, pour continuer de cheminer. Un mouvement qui venait de trahir, finalement, qu'il préférait qu'on ne le colle pas ainsi. Une attitude au brin léger d'arrogance qui intimait que cette chose qui venait de le percuter se devait plutôt de s'écarter pour lui éviter une perte de temps inutile.

Les trois mômes le regardèrent néanmoins passer, un peu figés, comme sous un spectacle nouveau. Les étrangers passaient au travers de la ville, l'histoire de quelques heures pour reprendre, mais celui-ci avait réussi à sortir du lot pour le trio.

Arrivé au plateau de la ville, la rue continuait suite à la place qui donnait - bien que petite -. Une fontaine en le milieu, à couler. L'enseigne n'avait pas été une information erronée : L'Araignée Noire.

Aurimans comptait pas loin de quatre tavernes dont deux à faire auberges. Une ville plutôt petite mais à forte consommation. Une source de revenus constante. Les voyageurs étaient appréciés plus pour dépenser que de rester et profiter.

Bien vite eut-il passé la porte pour s'engouffrer à l'intérieur.










Un établissement conçu en "L", d'où il venait d'arriver par le plus petit côté, en son bout : La porte. Le comptoir se tenait dans l'angle droit, ayant ainsi visibilité sur toutes les tables. La cuisine était dans un renforcement, disponible d'accès uniquement pour celui qui prenait les commandes. Le tenancier parlait à quelques trois autres, eux accoudés sur des chaises hautes et à boire tandis qu'il essuyait l'intérieur d'une immense chope. Une serveuse plutôt jeune, dans sa chemise blanche, courte mais ample, sous-parée de sa robe déambulait d'une table à l'autre pour servir ou prendre les commandes.

Cela avait beau être au matin, la taverne comptait déjà une vingtaine de clients en son sein.

Le trentenaire drapé termina de baisser la tête sous l'arche de la porte - trop petite -, sa dextre contre le mur comme pour s'appuyer puis à parcourir d'un œil - à l'allure morne - l'assemblée.

Il faisait bon à l'intérieur. Le cadre se voulait lumineux et rustique, cause des diverses poutres de bois apparentes d'où pendaient saucissons, herbes et autres vivres vendus ou servis par les hôtes.

Son pied lent pris d'abord le chemin du comptoir. Quelques sept mètres à le séparer du mobilier. La serveuse lui barra la route - quelqu'un de plus dans cette journée - pour l'accueillir d'une joie presque chaleureuse :

- Bonjour Voyageur. Sois le bienvenue à l'Araignée Noire. Je suis Lydia. Je peux t'installer et te servir quelque chose, si tu veux.

Le nouveau venu observa à droite et à gauche du visage de sa trop proche voisine, comme pour voir par derrière elle, à la recherche de quelque chose. Sa dextre naquit d'un interstice de la cape pour sortir quelques doigts délicats qui vinrent la déporter sur le côté. Sa tête secoua trop doucement trois négations. Puis sa voix, au souffle :

- Non.

La serveuse se laissa faire, un peu bête, le temps de chercher des mots qui ne vinrent pas. Elle l'observa continuer son chemin.

Les yeux du voyageur venaient ici et là, sur les divers visages aux tablées.

- Quoi ? Qu'est-ce t'as toi ? lança un consommateur, attablé avec deux autres compères. Le coude gauche sur la table, un peu avachi, la main droite sur sa cuisse. Il était de ceux que l'on pensait volontiers pour des durs à cuir.

Le marcheur ne rétorqua rien de plus qu'un souffle, son œil dans celui de l'habitant. Un souffle léger qui sonnait avec le simple fait qu'il venait d'être le témoin de quelque chose d'affligeant et médiocre, presque las.

- Hm. Grogna comme un ours l'Aurimançois, dominateur de cette joute visuelle, puisqu'il avait fait fuir le nouveau venu - ou presque -.

Arrivé au comptoir, il prit volontiers l'autre branche de la taverne plutôt que d'aller commande. Les regards fusaient de manière - plus mais surtout moins - discrète à son encontre. Et c'est avec gratuité que la plupart venait de le représenter d'une façon négative dans leurs esprits. Les habitants préféraient volontiers voir les têtes qu'ils connaissaient plutôt que d'autres, aux histoires inconnues et en ces temps présents si troublés.

Des morceaux de troncs coupés en guise de chaises, deux autres buveurs de bière se tenaient du même côté de la table pour échanger à voix basse.

C'est en face qu'il vint s'asseoir. A n'en pas douter, ça n'était pas un coup de foudre soudain pour le moelleux de cette assise en particulier. Il joignit les mains en observant l'un mais surtout l'autre.

Le duo venait de se taire, les têtes basses dans leurs messes interrompues. Le regard en coin, ils observaient celui qui avait prit place. Et celui-ci les regardait tout autant, avec silence.

- Tu vois pas que c'est occupé, là ? lui lança en guise d'accueil chaleureux le plus à gauche, d'une intonation de voix assez niaise comme s'il parlait à un enfant.

La phrase n'avait pas semblé retentir dans son esprit. Sa voix à lui se fit entendre, elle était jeune avec davantage de puissance qu'on lui aurait donné au physique, ampli d'une promptitude qui ne laissait pas passer par quatre chemins, affligée d'une gravité toute particulière : Les joyeusetés devaient avoir perdu place auprès de lui depuis longtemps.

- Où est le Noasfell ?

Le premier a avoir pris la parole aiguisa son regard tout en dressant des coins de lèvres. Le chien à mordre qu'il était n'avait pas particulièrement apprécié qu'on ignore sa mise-en-garde. Le deuxième se contenta de suivre de quelques plissements d'expressions.

- T'as pas compris ce que je t'ai dit ? Va traîner ton derche à une autre table, on veut pas de toi ici.

Le patron venait de lorgner sur la table en question et ses quelques clients proches en avaient fait autant. Les discussions alentours venaient étrangement de réduire en intensité.

Impassible, le voyageur venait de fourrer sa pupille au regard de celui qui gardait pour le moment le silence.

- C'est qu'il fait celui qui entend pas, ce con ! Commença à rigoler amèrement le premier homme. Il venait de secouer la tête pour son compère, comme à halluciner pour revenir sur celui qui se voulait plus sourd que muet. T'as moins de trois secondes pour foutre le camp, tête de gland, avant que je te fasse bouffer ton siège.

L'unique œil noir venait de se détourner pour deux secondes sur celui qui préméditait une suite difficile. Il avait la grande envie de hausser juste ce qu'il faut le sourcil. De lui signifier qu'il avait retenu un brin son attention. Qu'il avait éveillé une sorte de curiosité malsaine mais qu'il n'en croyait rien. Un sourcil monté qui l'aurait, lui aussi, invité à aller se classer parmi la médiocrité. Mais plutôt continua-t-il d'observer le silence, à son encontre, pour poursuivre de l'ignorer.

La tâche aurait pu être périlleuse en d'autres occasions, mais il commençait de parfaitement comprendre les mécanismes. Davantage que celui qui l'intéressait - bien que comme son voisin - devait être quelqu'un de facile, bon à savoir se battre et gagner sa vie en "sauvant" des veuves et d'autres orphelins - pourvu qu'ils soient nés à Aurimans -.

- Je ne le répéterais pas davantage. Où est le Noasfell ?

- Bien joué du con, t'as tout gagné. Le plus nerveux vint se saisir du couteau, sur la planche à saucisson, dans sa courte phrase, pour transpercer les mains jointes de celui qui avait trop joué avec sa patience.



L'impact de la lame sur la table de bois et pas un gémissement...



- Tu es Éloie. Il lui suffisait d'imbriquer les éléments et d'attendre le moment propice. Sa main gauche continua de garder emprise sur le poignet de son agresseur, qui s'était manifestement vu dévier son coup. Tu as été attaqué par un Noasfell et tu es encore vivant. Le concerné fronça les sourcils, comme s'il n'aimait pas trop ce qu'on venait de lui dire. Cela doit remonter à une semaine et il court encore dans les bois. Le second se fit davantage dur d'expression au constat de son échec. Tu étais avec un marchand et deux autres épéistes. Vous ne pensiez pas vous faire attaquer en pleine journée.

- J'ai rien à te dire ! cracha finalement le muet.

- Tu te souviens de ce jour, et tu ne dois pas être fier d'avoir senti ta faiblesse et toute ta peur.

La pupille de l'impliqué venait d'effectuer un trop bref changement de grosseur, qu'il venait de se replonger courtement dans cet épisode.



C'était la brèche...



L'agresseur tentait tant bien que mal de reprendre le couteau planté, tout en essayant de soulever cette main gauche pesante sur son poignet.

Éloie observait finalement la table, une rainure entre les planches, l’œil embrumé et la bouche entrouverte. Sa tête commençait de pencher très légèrement ici et là, et si cerveau il en était détenteur, cela devait être vent désormais. Il était beaucoup plus calme. Préoccupé peut-être ? Ce voyageur se voulait peut-être précurseur de la profession de psychologue, en ce monde, capable de délier des langues en mettant la victime face à son traumatisme. Pourtant, la conclusion se voulait plus égoïste que soulager un souffrant de ses maux.

- Le Noasfell tue le marchard... et Phill... Son langage se voulait aérien et une note tourmentée. Ses yeux allaient ici et là, comme à voir des choses ou les revoir.

- Mais crétin, tu vas pas lui dire ?! S'énerva davantage son compère. De sa senestre il vint pour se saisir de la gauche qui le verrouillait. Sans même lui laisser un regard, le voyageur ne lui permit pas de le toucher, la ramenant comme de départ jointe.

- Il prend Colin au bras... Il me voit et me lacère... Je tombe... Colin tombe et se fait emporter... Au...

- Éloie ? Qu'est-ce que tu fous là ?! Derrière tout ça, il y avait de l'inquiétude. Il se recentra sur l'étranger. Qu'est-ce que tu lui as fait ?

Encore du silence. Il était plutôt attentif à ce que son camarade pouvait dire.

- Nord... Sur la route de Carcagues...

- Réponds-moi, enflure ? L'homme venait de secouer son camarade, qui finalement se laissait tomber tête la première contre la table sous la subite envie de dormir, déconnecté de cette réalité.



En tout et pour tout, suite à ces révélations, le voyageur frémit des paupières inférieures pour se relever et emprunter chemin inverse.

- Il est mort ? Tu lui as fait quoi ? Agelt ! récria-t-il au tavernier. Il lui a fait quelque chose ! En pointant celui qui commençait de partir.

L'agitation réussi à gagner l'ensemble de la bâtisse et il n'en fallait que peu pour déclencher la levée de plusieurs tables. A croire que la plupart n'attendait que ça : Boire une bière, attendre un étranger et être à l'affût d'une erreur qui pourrait être le prétexte à quelques pulsions barbares et primaires.

La serveuse vint se mettre au milieu de l'étranger qui avait passé le comptoir et les quelques sept hommes regroupés aux devants de l'entrée.

- Calmez-vous, Calmez-vous. Nous ne sommes pas là pour que les esprits s'échauffent. Elle se rapprocha du nouveau visiteur, faisant face aux habitués. Il va retrouver son chemin puis... à chercher... Vous continuerez de boire, rigoler et parler.

Le patron interpella de sa voix rauque celui qui voulait emprunter la sortie

- Tu lui as fait quoi, le Blafard ?

De son calme paré, il répondit sans pour autant rassurer.

- Il va bien.

- Il respire ! gueula le compère de "l'ensorcelé" Mais il a l’œil mort !

- Ça me dit toujours pas ce que tu lui as fait. C'est toi ? Continua le patron.

- Agelt, c'est bon, laissons-le partir. Sourit la jeune femme, essayant de calmer la situation. Allez, tournée générale ! On reprend sa place !

Le regard du voyageur vint à se baisser sur celui de sa proche voisine.

- Ça n'est pas avec un semblant de bonté, exagérée, que vous vous ferez respecter.

- Plaît-il ? Lui rétorqua-t-elle en se tournant, les yeux grands ouverts.

- Vous vous laissez dominer par les élans belliqueux de ces idiots, en offrant, à défaut de réprimer. Trop craintive. Sans pour autant la quitter des yeux.

- C'est qui que tu traites d'idiot, sale con ? lui offrit l'un des attroupés, sa main droite à se serrer frénétiquement en un poing.

- Il lui a mangé le cerveau ! continua de crier le toubib d'un jour, dans son expertise.

- J'te cause, étranger. Tu lui as fait quoi ? le patron venait de déposer la grosse chope, les mains apposées sur son comptoir.

- Son esprit fragile est devenu confus suite à la saturation. Il va bien et saura encore déblatérer des inepties, si ça vous inquiète. En répondit-il finalement et plus fort au tenancier, d'une façon neutre qui le caractérise.

- Comment tu.. vous osez !  Je... balbutia la serveuse. Je ne suis pas craintive ! Et si je fais ça... c'est pour vous ! lui rétorqua-t-elle un brin vexé, elle qui s'était voulue conciliante.

- Cautionner mène à la faiblesse. Plus tranchant encore tant son indifférence le rendait inhumain à cet instant. Je n'ai pas besoin de toi.

- Je suis sûr que... ! Commença l'expert, proche de la conclusion de son bilan médical, un doigt certainement levé.

Une moue vint à se dessiner sur les traits au départ radieux de la jeune fille. Son regard davantage aqueux que la vérité la touchait, elle essaya de lui flanquer une bonne claque sur la joue.

La senestre de l'étranger s'interposa pour saisir - une nouvelle fois - le poignet, tandis que son regard était braqué, désormais, sur la troupe d'hommes plus loin.

- Je ne traite que rarement d'idiot. La plupart du temps, ce sont d'amers constats, pour ceux qui l'apprennent. Puis après quelques secondes. Mes condoléances. Je peux toujours reformuler, si c'est trop compliqué à comprendre.

Le plus échauffé de tous qui avait entamé de questionner manqua de s'étrangler en dégainant son épée, pointe en direction de l'effronté, à quelques mètres toujours.

- Il se fout royalement de ma gueule ce con ! J'vais l'étriper ! Alors il pris son élan.



- C'est une saloperie de sorcier !



Le bilan venait d'être rendu.

La conclusion finale donnée.

Et cette dernière gueulée retentit étrangement dans tout l'établissement et les esprits.



Beaucoup se figèrent, devenus anxieux.



La silence s'installa.



L'élan venait de trouver sa fin, l'épée hautement brandie, prête à être lancée sur l'étranger, mais avec moins de conviction, subitement.



Il expira lentement mais du plus qu'il put, par le nez, tandis que sa main gauche, à la prise petite - sur le poignet - mais certainement trop ferme vint, avec lenteur - cependant - à faire reculer la jeune femme pour qu'elle bute sur une chaise et qu'elle s'y affale sur l'assise, déséquilibrée : Il fallait vraiment ne pas l'approcher plus aujourd'hui.

Son sourcil unique se dressa, interrogeant celui qui le menaçait quelques secondes plus tôt. Une interrogation pernicieuse. Une interrogation simple. "Alors ?".

L'opposant frémit des paupières en tirant la tête. Il n'appréciait guère la situation et davantage tous les sentiments qui commençaient de le prendre. Toute la faiblesse dont il était capable, finalement.

Il s'écarta.

Le voyageur continua doucement, dans ce silence de mort, l’œil braqué sur ce dernier. A la juste hauteur il s'arrêta et pris tout loisir de plonger son iris dans ses yeux.

- Mais... Mais vous allez rien faire là ?! Éloie est raide affalé !

Le gueulard - et ex-voisin du voyageur - venait de se montrer dans la plus petite partie du "L" de cette taverne. La mine effarée de voir qu'aucun n'était capable de rendre justice.

- Ben... émis l'un d'eux, pris de court et embêté.

Sa gauche revient sous la cape, et celui qui était drapé se fraya un chemin. Un dernier dressé devant lui, avant la porte, qui laissa passage libre après une dizaine de secondes de soutenance, au regard, contre l'insensibilité dont savait faire preuve le marcheur.

- Remuez-vous bande de crétins ! s'insurgea l'ami de l'embrumé. Et après, vous vous dites des défenseurs ? Défenseurs de mon cul, ouais !



Bientôt tout ce qui pouvait fuser d'une voix unique devint plus faible. Le voyageur observait les nuages et la luminosité ambiante. Sa destination avait été mise à jour. Il devait retrousser chemin, par la rue d'où il était venu. La descente lui irait à défaut de la gravir.



A quelques trois mètres de l'entrée.

- Tu vas pas t'en tirer comme ça, je te le dis !



Encore le même...



La journée n'était pas particulièrement radieuse. Depuis quand l'avait-elle été d'ailleurs ? Elle n'était pas particulièrement noire non plus. Les mots de certains - et la plupart -, il en était au dessus. Et s'il les laissait l'atteindre, c'est qu'il nourrissait d'autres pulsions bestiales et voulait, lui aussi, son prétexte. Mais aujourd'hui, il avait mieux à faire.

- Arrête de m'ignorer ! Plus bas. Putain, il me fout les boules ce con... Reprenant. Reviens là ! Tu vas payer !

Non, rien l'aurait détourné de son actuelle quête. Ces habitants et bien d'autres ne pouvaient comprendre.

- J'te jure que tu vas m'entendre !

Il n'était pas le meilleur là dedans, mais l'effronté et son indifférence lui faisaient beaucoup trop d'effet.



Le marcheur s'arrêta un instant.



Des gouttes tombèrent de son dos. Un, deux. Trois.



Un filet.

De l'écarlate.

De l'hémoglobine.



De sa senestre, il venait d'arrêter la dague qu'on lui avait balancé, dans son élan, par la lame, à l'arrière de sa nuque. Son gant de cuir venait d'être déchiré à la paume.

La journée n'était pas particulièrement radieuse. Depuis quand l'avait-elle été d'ailleurs ? Elle n'était pas particulièrement noire non plus. Les mots de certains - et la plupart -, il en était au dessus. Et s'il les laissait l'atteindre, c'est qu'il nourrissait d'autres pulsions bestiales et voulait, lui aussi, son prétexte. Les gestes, il en était parfois au dessus. Mais à cet instant... Il n'avait pas mieux à faire...










La troupe à l'intérieur de la taverne venait de sortir comme une fourmilière qui aurait dû quitter son territoire en vitesse. Les promeneurs, les travailleurs et les passants se mirent à l'arrêt quand la lame se fît intercepter.

- Bah putain. Y'en faut pour que tu m'écoutes. C'est bon, tu cogites maintenant ? cracha l'agresseur.

Son regard était braqué devant lui. Une femme tenait sa panière de linge, au sommet de l'ascension de la ruelle. Elle était la victime de son œil.  Le voyageur l'observait d'une intensité palpable, davantage que les paupières réduites désormais lui donnaient quelque chose de négatif. Sa senestre se crispa plus encore sur la lame, pour en serrer et former le poing. Une nouvelle dose de sang s'écoula au sol. Il inspira à plein poumons en toisant la femme au panier de vêtement - même si rien ne lui était destiné ou trop peu - puis se retourna pour observer le combattant qui venait de s'emparer de son épée au flanc, et d'une nouvelle dague, pour parer certainement ou user de quelques sournoiseries.

- Et toi, tu ne fais aucune liaison quand quelqu'un est capable d'arrêter une lame au vol à main nue. Décérébré. Lui souffla-t-il sans pour autant verser dans la haine, juste le calme. C'est vrai que je t'ai écouté et j'avais l'intime envie de te couper la langue depuis longtemps. Avec tes abrutissements, elle doit être si grosse que je peux peut-être t'étouffer avec.

Le bougre observa courtement les alentours, il n'y avait pas que des débilités profondes dans le discours adverse. C'était même sage.

- Vous allez me regarder sans rien faire, sérieusement ? Vociféra-t-il à la foule.

L'inquiétude commença de s'emparer de bons nombres des spectateurs. Quelques autres commencèrent à scander des galvanisations pour que rende gorge vite l'étranger.

De chaque côtés, deux combattants s'avancèrent, signe qu'ils suivraient pour la suite. Sur la gauche du voyageur, un épéiste long et un combattant avec une lourde hache à deux mains, un bûcheron certainement. Sur la droite, un autre épéiste commun, un second avec un bouclier néanmoins. Le meneur s'avança.

- Allez, ramène-toi maintenant !

L'étranger releva le nez, quelque chose d'hautain en observant les autres prendre place. Des mots à fuser entre ses dents serrées et dévoilées, bas, qu'il affectionnait tout particulièrement :

- Bande de décérébrés...

Son bras droit articula sa cape dans un geste prompt qui la fit voler. Une partie fusa en arrière de son dos, pour lui permettre de la liberté de mouvement. La tête d'une poignée de lame se dessina au passage. L'arme se tenait dans un fourreau cintré en l'arrière de sa hanche, pas parfaitement au dos. Une position peu commune et à la prise, de prime abord, fort peu facile.

Avec lenteur sa main droite se saisit de la poignée de l'arme et, d'abord à la dégainer de manière horizontale - pour placer cette fois le fourreau au creux de ses reins - il vint lever le bras, comme à brandir une torche dans une caverne - au détail proche que ça n'était pas une torche qu'il tenait mais une épée, et que celle-ci était maintenue théoriquement pas de façon normale mais inversée, le pommeau au dessus de son index et pouce enserrés, la lame plaquée contre son avant-bras.

L'épée était toute singulière. On l'aurait dit faite dans un marbre très sombre et lié a du métal par endroit. Aucune garde, à la place un motif dans cette sorte d'acier, tortueux, qui s'imbriquait parfaitement dans le fourreau une fois la lame rangée pour savoir l'observer. Un travail d'orfèvre. Les tintes métalliques de ce noir versaient de temps à autre - et suivant la luminosité - au violet.



Épée de l'Étranger:
----- Fenêtre à ouvrir -----



Le médaillon brûlé se tenait au fond de la fontaine de cette place, et il le savait.




La lame sortie, sans même opter pour une garde particulière - sauf attester qu'il avait l'épée en sa possession-, les quatre à s'être joints commencèrent de douter de leur implacation. Était-ce du courage ou de cette témérité qui en emportait plus d'un. D'ailleurs, l'un des épéistes ne réussit à étouffer son "Opfff" en le voyant en détention d'une arme.

L'étranger se mit à avancer vers son agresseur, calmement, puis le pas déterminé.

Ce dernier observa de son arrivée puis de son "soutien" qui, finalement, ne voulait pas vraiment s'engager. Il attesta aussi de la foule qui bloquait l'entrée de l'auberge - savait-on s'il voulait y fuir à un moment donné -. Alors, un brin de sentiment acculé il commença de tourner en longeant la foule pour gagner du temps.

- Elle est belle notre ville. Et après, vous pensez qu'on va gagner contre les saloperies qui courent la nuit. Vous êtes déjà pas capables de vous rebeller contre un magicien ! Cria-t-il pour tous.

Certains dans la foule baissèrent les yeux.

Le marcheur se délesta de la lame courte qu'il tenait toujours. Le tintement de l'acier retentit sur les pavés.

Jugé à distances trop proches, l'agresseur réitéra de sa nouvelle arme de jet. Même si le pourcentage était faible pour qu'elle arrive à se planter dans quelque chose - cause des vrilles qu'elle faisait - elle était toujours un projectile contondant qui le mènerait à la victoire.

L'épée sombre du trouble-fait venait à peine d'être saisie d'une façon commune qu'elle para avec dextérité ce qu'on lui envoyait. La dague fusa pour s'encastrer, pointe première, entre quelques pavés : Plantée.

L'agresseur serra les dents tout en plissant le regard, c'était là encore guère appréciable.

A bien empoigner son arme, il la fit voler au dessus de sa tête pour l'abattre à la verticale sur son opposant.

Les lames furent liées pour moins d'une seconde, à glisser l'une contre l'autre, durant la parade qui vint à suivre. Déviée de son point d'impact initiale pour finalement toucher le sol à la pointe - et passer au juste côté gauche du trentenaire - ce dernier offrit son genou gauche au ventre adverse.

Le souffle fut court en réponse qu'il se mit à tousser.

L'étranger se tint droit suite à cela, pas même menaçant de son arme. Son regard en chien de faïence sur la proche personne qui voulait jouter. L'expression fermée.

Le combattant se redressa tout en essuyant le coin de ses lèvres d'un bout de manche, en vitesse. Il sourit en coin.

- T'es un coriace, toi.

Le duelliste le plus calme secoua la tête d'une façon très infime. Plus son adversaire parlait et plus il l'affligeait. Il n'était pas question d'une quelconque solidité, mais il n'allait pas lui faire un cours.

Alors d'estoc, le bougre sauta presque pour le transpercer dans les tripes.

La lame noire, sans grand mal, para de nouveau, dans une prise inversée désormais.

En bout d'allonge et sous l'impulsion, l'assaillant manqua d'équilibre ce qui lui fit perdre le temps d'une nouvelle stabilisation. Temps suffisant pour que l'une des bottes viennent taper dans la main directrice de l'épée afin de la faire voler.

La foule aux abords s'empressa de s'écarter pour laisser l'arme s'éclater au sol.

L'étranger mit en déroute le peu de résistance adversaire qu'il avait trouvé, pointe à la gorge.

L'agresseur agita la main rougit par le coup pour lever les deux, signe d'un calme presque revenu. Pourtant, il fit le tour de son opposant, à la juste distance de cette lame au cou, en joue, comme si le détenteur en était l'épicentre pour s'éloigner en vitesse et se ruer sur la dague qui s'était vue plantée plus tôt entre les pavés. Un "Ah !" fit grandement sourire celui-ci, conscient - certainement seul - que la situation venait d'être retournée. Il joua de quelques sourcils.

La lame qui avait encore suivi l'éloignement de ce dernier s'abaissa pour de bon. Le trentenaire en proie à son stoïcisme inspira avec force devant tant d’imbécillité. D'un geste avisé il rengaina la lame dans son fourreau, de son unique dextre et son pas pressé le mena tout droit à son opposant.

L'homme à l'arme dégainée vint en trois gestes fendre l'air devant celui-ci. L'étranger ne bronchant pas d'un poil, gardant la juste distance pour ne pas se faire entailler. La lame devait fuser à quelques trois ou quatre centimètres parfois de son visage, parfois de son buste. Puis au moment d'une quatrième tentative hâtive, il s'empara de la main avec la dague de sa gauche et du cou avec sa droite. L'empoignant à pleins doigts, il attira l'agresseur vers la fontaine tandis qu'une clé au poignet venait de faire céder la prise sur la lame.

Quelques grognements sous la contrainte physique, le désormais malmené n'en menait pas large, obligé de suivre. Il observa en vitesse les alentours, une partie de la foule à ne rien faire et quelques pavés dont un légèrement plus relevé qu'il aurait réussi à utiliser dans ce combat. Puis finalement la fontaine. L'étranger mit tête première celle de son adversaire. D'une main il le garda sous l'eau tandis que son corps voulait se débattre. De l'autre, il prit le médaillon noirci qui était au fond de l'eau, comme s'il avait toujours été là. A le sortir, il l'observa sous quelques angles, méticuleux. Un brin de nez à se froisser dans une tentative vaine de son opposant pour lutter, qu'il avait pesé davantage de son poids pour le maintenir sous l'eau. Il jeta avec mollesse le bijou où il l'avait trouvé pour relever la tête du bougre et le laisser un instant prendre son souffle.

Le voyageur secoua ses gants, très calmement tout en se retournant, avisant de la foule très calme et des quelques armés qui n'avaient pas encore rengainé, mais qui n'avaient pas encore demandé la joute. Méticuleux, il replaça du plus qu'il réussi ses mitaines de cuir tout en serrant ses poings.

Finalement, il agrippa avec force la tignasse de son voisin, accoudé au rebord de la fontaine. Avec élan, sa tête pris légèrement de hauteur pour se heurter contre la pierre avec fracas.

Le bougre tomba ensuite au sol, comme un sac, de tout son poids. Son front commençait à devenir rouge.

Ainsi, il venait de s'éviter un pavé malencontreux dans le dos de la part d'un prétendant trop borné. Puis d'un œil vers le tenancier qui était lui aussi sorti :

- Lui aussi va bien.

Tout aussi plat.




De ses mains, il vint à se couvrir entièrement de sa longue cape noire pour n'en laisser dépasser plus que sa tête. Le pas lent et le regard droit, il se fondait déjà dans une foule qui ne demandait pas son reste pour s'opposer de nouveau.



Personne n'eut jamais à savoir si la magie était intervenue ce jour là et beaucoup en doutèrent finalement...
Etherna Thus-tal-Al'Shar
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